Château des Teppaz – Un peu d’histoire(s)

Dernière modification le 10 avril 2023

1. Présentation du lieu

Le château des Teppaz  et de Montbel est un ancien château fort qui daterait du XIIe ou XIIIe siècle. Il est fait mention du Château pour la première fois en 1234. Les vestiges du château sont situés sur la commune de Saint-Pierre d’Entremont (Savoie), au cœur de la Chartreuse, au hameau des Teppaz, sur un mamelon à 859 mètres d’altitude. La surface du château est d’environ 5000m² dont 600m² pour la petite enceinte. Il se situe à 3.5 km à vol d’oiseau du Château neuf (Château du gouvernement). Le fossé fait 80m de long. La grande enceinte fait 300m de longueur.

Le château des Teppaz ou château dit de la Roche Fendue domine la vallée du Cozon, il est au bord du chemin principal reliant Entremont le Vieux et Saint Pierre d’Entremont (Chemin des Mules)

Carte IGN de localisation des ruines  (Source : Géoportail IGN)

 

 

 

 

 

 

 

2. Histoire des châteaux de Montbel

Le site a très certainement présenté une motte castrale dès le Xe ou XIe siècle et c’est au XIIe ou XIIIe siècle que le château des Teppaz dit de « Roche-Fendue » est construit, pour contrôler au moins la partie nord de la vallée des Entremonts.

La première mention du Seigneur de Montbel date de 1098, il s’agit de Philippe de Montbel et d’Entremont. La première mention au Château remonte à 1234, le seigneur était Guillaume d’Entremont et de Montbel. Comme de nombreux seigneurs de cette région où s’enchevêtrent les propriétés du Dauphiné et de la Savoie, la famille de Montbel cherche à la fois à étendre son pouvoir et ses terres. À cet effet, le jeu des alliances est d’une importance capitale, surtout sur ces terres à l’interface des propriétés des comtes de Savoie et les comtes d’Albon, nommé aussi Dauphin du Viennois à partir du XIIe siècle. Ces deux dernières font partie des 10 familles les plus puissantes d’Europe à cette époque.

Il n’est pas possible de parler à cette époque de frontière mais plutôt de limites de fiefs et de zones d’influence. Ainsi les Montbel vont jouer de cette situation en prêtant allégeance tantôt au Dauphiné, tantôt à la Savoie. Le 5 janvier 1355 (Traité de Paris), une frontière est instituée pour s’assurer d’une paix durable et éviter les conflits qui étaient quasi permanents sur ce secteur. Ce traité est signé entre le roi de France Jean II (dit le Bon) et Amédée VI (Comte de Savoie). La frontière est fixée sur le Guiers, sans que le traité ne précise toutefois s’il s’agit du Guiers mort ou du Guiers vif, alors que 8 km séparent ces deux cours d’eau. La situation restera en l’état jusqu’en 1760, date à laquelle la frontière sera précisée dans le traité de Turin, sur le Guiers vif.

Ainsi pendant 400 ans, cette frontière imprécise permit le développement fort de la contrebande, du non-paiement de taxes et engendrera la revendication de terres des deux côtés. De nombreux conflits vont perdurer. Rappelons par exemple qu’en 1328 Guillaume IV de Montbel tenta de s’octroyer le monastère de la Grande Chartreuse en entrant armé dans le monastère pendant le chapitre général. Il fallut l’intervention du roi de France Philippe VI de Valois qui menaça de détruire le monastère si Guillaume IV de Montbel ne se retirait pas. Cette frontière, à la fois présente et inexistante, à certainement eu un impact fort sur la vie locale. Ces impacts sont encore visibles aujourd’hui avec un village coupé en deux par une frontière départementale.

En 1234, Guillaume de Montbel rend hommage au Dauphin Guigues VI et achète la section d’Entremont de la paroisse de Saint-Pierre de Chartreuse. Guillaume de Montbel possédait donc à la fois des fiefs du Dauphin de Viennois et des fiefs du comte de Savoie. Ainsi il ne participait pas aux guerres delphino-savoyardes. L’accord fut de courte durée (6 ans) car son fils Guillaume II devient uniquement vassal d’Amédée IV, comte de Savoie, à qui il prête allégeance en 1240. Le Dauphin Jean 1er, tout comme son père, revendiquent les Entremonts. Malgré les tentatives de récupération des Entremonts par les Dauphinois, l’allégeance à la Savoie dura 66 ans. Ce n’est qu’en 1306, que Rollet d’Entremont prête allégeance à Jean II de Viennois et entraina la fin du Château des Teppaz comme seigneurie.

Le Comte de Savoie, Amédée V qui était en campagne à Genève vient faire le siège du château des Teppaz. Malgré le renfort de 300 Dauphinois, Amédée V reprend la place et Rollet part en exil à Grenoble. Dès lors, le château des Teppaz ne fut plus une seigneurie mais seulement une châtellenie (administration fiscale). À partir du XVe et XVIe siècle, le château des Teppaz semble abandonné. Il devint une carrière de pierres pour les habitants des Teppaz et de la vallée.

En 1316, le comte de Savoie (Amédée V) consent à rendre la plupart des terres et des droits à Aymard le frère de Rollet, moyennant le reversement de la moitié des revenus de la seigneurie. Il lui autorise la construction d’un nouveau château (cf ci-après : Château neuf d’Entremont, dit aussi château du gouvernement) au lieu-dit actuel « le Château ». Il est construit sur la partie revendiquée par le Dauphiné et la Savoie, et permet de contrôler l’accès à la vallée et aux mines de fer de Bovinant exploités par les Chartreux.

L’histoire se répéta quasiment de la même manière 200 ans plus tard, en 1552 ( ?), lorsque Sébastien de Montbel préta allégeance au roi de France (le Dauphiné étant devenu français en 1349). Le duc de Savoie, Emmanuel-Philibert, vint faire le siège du Château Neuf d’Entremont. Les 200 soldats qui défendaient le château ne purent résister que 3 semaines. Ainsi, Sébastien de Montbel dû abdiquer et le château redevint savoyard presque aussitôt. Sébastien redevint, pour une très courte durée, comte d’Entremont par la volonté du Roi de France à la fin de l’occupation française de la Savoie (1536-1559). Sébastien fut le dernier seigneur de Montbel à vivre dans la vallée des Entremonts. Sa fille, Jacqueline de Montbel, élevée à la cour du roi de France, ne vécut jamais dans les Entremonts et fut la dernière à porter le nom de Montbel d’Entremont. Elle meurt en prison en 1599.

En 1633, à la suite de la 3e occupation française de la Savoie, Richelieu ordonna d’incendier le château du gouvernement ; il ne voulait plus de place forte savoyarde dans la vallée des Entremonts. Le château fut ensuite racheté en 1694 par les Chartreux, puis en partie réhabilité en y installant une ferme. Plus tard le lieu devint un hospice pour les habitants puis un lieu de stockage (alimentation et minerai). Il devint « Bien National » à la Révolution. Plus ou moins abandonné, il devint une carrière de pierres pour la construction des maisons de la vallée. Il est aujourd’hui une propriété de l’Office National des Forêts.

Cette courte synthèse historique permet de mesurer l’importance stratégique de la vallée des Entremonts entre le XIe et le XVIIe siècle. Le château des Teppaz et la famille des Montbel ont joué un rôle majeur sur le contrôle de la frontière et ont montré un certain savoir-faire leur permettant de rester plus ou moins autonomes tout en étant pris entre deux des plus puissantes familles d’Europe, et, pour preuve de cette puissance, le Comte de Savoie Amédée V a eu le projet de marier sa fille Marguerite avec Jean, le fils cadet du Dauphin de Viennois, Humbert de Viennois, mais le Pape, Boniface VIII donna un avis défavorable à cette union pour éviter que le Dauphin ne devienne un allié du Roi d’Angleterre et ainsi déséquilibre les rapports de force avec le roi de France.

La vallée des Entremonts peut paraitre petite et sans grande importance ; pourtant la petite histoire locale est le témoin fort des grands enjeux et de la grande histoire de France et d’Europe. Cette frontière âprement disputée reste aujourd’hui présente à travers un village, celui de Saint-Pierre d’Entremont séparé en deux par l’ancienne frontière nationale, aujourd’hui départementale. Ce qui explique que ce village possède aujourd’hui encore deux maires, deux mairies, deux églises…

 

 

 

 

 

 

 

 

Représentation hypothétique du château des Teppaz au XVe siècle (Source : Pierre Yves Carron)

 

 

 

 

 

 

 

 

Représentation hypothétique du château du gouvernement au XVe siècle (Source : Pierre Yves Carron)

***

Chronologie des seigneurs d’Entremont et de Montbel, de leurs châteaux de la vallée des Entremonts et du lien avec la frontière delphino-savoyarde et franco-savoyarde

 1098 Première mention au Seigneur de Montbel (Philippe de Montbel)

1234 Première mention du Château des Teppaz (ou Château de la Roche fendue ou Château de Montbel) Guillaume d’Entremont et de Montbel prête allégeance au Dauphin Guigues IV.

Il y avait certainement déjà un château ou du moins une motte castrale antérieure.

Il n’y a pas de notion de frontière, mais plutôt de fief et de contrôle d’une vallée et de sa population disputée par deux grandes familles (Savoie et Dauphiné du Viennois)

1240 Guillaume II de Montbel prête allégeance à Amédée IV (Comte de Savoie).

-Le Dauphiné fait tout pour récupérer son autorité sur la vallée des Entremonts.

-Pendant 66 ans, les différents seigneurs d’Entremont (Guillaume II et son fils Humbert) prêtent allégeance au Comte de Savoie.

1306 Rollet (neveu de Humbert), seigneur d’Entremont et de Montbel prête allégeance à Jean II de Viennois. Amédée V (Comte de Savoie) arrête sa campagne dans le Genevois et vient faire le siège du Château des Teppaz. De l’artillerie aurait été installée notamment sur le « Boucherin » (Bricoles, Couillard et peut être Bombardes). Le seigneur Rollet a le renfort de 300 Dauphinois. Après 5 semaines de siège, le seigneur Rollet se rend et part en exil à Grenoble où il s’occupe d’une Châtellenie.

Confiscation du fief d’Entremont aux Montbel.

Le Château devient une Châtellenie (centre administratif).

1316 Aymard, frère de Rollet, négocie avec le comte de Savoie Amédée V pour reprendre le pouvoir sur la vallée des Entremonts. Amédée V lui permet de reconstruire un château (Château neuf). Il le fait construire de l’autre côté du Guiers.

1328 Guillaume IV de Montbel tente de s’octroyer le monastère de la grande Chartreuse en entrant armé dans le monastère pendant le chapitre général.

Phillipe VI de Valois, Roi de France, intervient et menace de détruire la Grande Chartreuse si les Montbel ne se retirent pas.

De nombreuses tensions entre les utilisateurs des alpages et les moines Chartreux exploitant les mines de fer de Bovinant.

1349 Le Dauphiné devient français.

-1355 Traité de Paris, création de la frontière sur le Guiers sans mentionner quel Guiers.

-1416 Les comtes de Savoie deviennent Ducs (Amédée VIII a les deux titres et il deviendra aussi Pape).

-1476 Les seigneurs de Montbel (Jacques de Montbel) deviennent comtes.

-1552 Sébastien de Montbel prête allégeance au Roi de France. Emmanuel Philibert (Duc de Savoie) fait le Siège du château neuf. Les 200 soldats  ne résisteront que 3 semaines.

Sébastien redeviendra un peu plus tard Seigneur des Entremonts par volonté du roi de France, mais ce sera le dernier des Montbel à vivre dans les Entremonts.

-1633 Richelieu ordonne d’incendier le Château neuf.

XVe et XVIe siècles le Château des Teppaz est abandonné, il devient de fait une carrière de pierres pour les villageois.

-1694 Le château neuf est racheté par les Chartreux, il devient une ferme, puis un hospice, puis un lieu de stockage de minerai. Il est petit à petit abandonné et devient lui aussi une carrière de pierres pour les villageois.

-1713 Les Ducs de Savoie deviennent aussi Rois de Sicile puis rois de Piémont-Sardaigne en 1718.

-1760 Le traité de Turin place la frontière entre la France et la Savoie sur le Guiers vif. C’est la première fois que la frontière est parfaitement établie. Une première série de bornes frontières est installée.

-1822 Une nouvelle série de bornes frontières est installée (1815 le Savoie redevient indépendante).

-1860 La Savoie devient Française (annexion).

Ne pas oublier que la Savoie a été régulièrement occupée depuis 1536 (6 fois par les Français et 1 fois par les Espagnols). Cela représente 64 ans d’occupation française et 7 ans d’occupation espagnole.

La frontière nationale devient une frontière départementale.

Rédigé par Wilfried Tissot

Sources :

– Jean-Marc Baffert, « Le Siège du château d’Entremont » Revue Mémoire des Entremonts, n°22 et 24, 2009.

– Bernard Demotz,  Le comté de Savoie du XIe au XVe siècle : pouvoir, château et État au Moyen Age, Slatkine, 2000.

– Fabrice Mouthon, « Les Entremonts de Chartreuse au XIVe siècle », Études savoisiennes, 5-6, 1996-1997, p. 5-45.

– Gaëlle Pin-Brancaz, Le pays des Entremonts 1860-2000. Histoire de la Chartreuse savoyarde‎, La Fontaine de Siloé, 2000.

– Marie Thérèse Vincent, 1000 ans d’histoire en Pays Savoyard (Avant Pays Savoyard), Neva, 2016.

 

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